QUELQUES ODES DE HAFIZ (II)
II
Si cette belle Turque de Chiraz vient à satisfaire les vœux de mon cœur, je lui fais don, pour le seul amour de son noir grain de beauté de Samarquand et de Bokhara.
Apporte, ô echanson ! apporte le reste de notre vin, car tu ne saurais trouver en Paradis ni cette rive de Roukn Abad ni les jardins de Goulguecht ou de Mousalla1).
Hélas ! semblables aux Turcs dévastateurs qui pillent et saccagent la table d'un festin, ces belles aux doux regards, ces perles de beauté dont les charmes embrasent tous les cours, ont mis à néant le repos2) dont le mien jouissait.
Dans la plénitude de sa beauté notre amie n'a aucun souci de notre incomplet amour. Un joli visage, quel besoin peut-il avoir de teint, de coloris, de grain de beauté ou de duvet naissant sur la joue3) ?
Je savais bien qu'à voir cette beauté chaque jour plus éclatante de Joseph, l'amour soulèverait enfin le voile sous lequel se cachait la vertu de Zouleikha.
Répète, ô échanson, repète-nous tes refrains qui parlent du vin et de la danse : un peu moins de zèle à rechercher les mystères de la création; car, vois tu, personne jusqu'ici n'a, par la science, résolu cette énigme et personne ne la résoudra4).
Ecoute-bien ce conseil, ô mon âme! écoute-le, car les jeunes gens favorisés du ciel préfèrent à leur propre vie les avis d'un vieux savant.
Tu m'as grondé, j'en suis ravi, Dieu te le rende, tu as bien fait, car des paroles empreintes d'amertume, cela sied à des lèvres de rubis d'où découle la douceur.
