Evola: Les civilisations modernes et les civilisations traditionnelles

Philippe BAILLET

A cet égard, typique est l’équivoque de ceux qui prennent pour immobilité ce qui eut, dans les civilisations traditionnelles, un sens très différent : un sens d’immutabilité. Ces civilisations furent des civilisations de l’être. Leur force se manifesta justement dans leur identité, dans la victoire qu’elles obtinrent sur le devenir, sur l’“ histoire ”, sur le changement, sur l’informe fluidité. Ce sont des civilisations qui descendirent dans les profondeurs et qui y établirent de solides racines, au-delà des eaux périlleuses en mouvement.

L’opposition entre les civilisations modernes et les civilisations traditionnelles peut s’exprimer comme suit : les civilisations modernes sont dévoratrices de l’espace, les civilisations traditionnelles furent dévoratrices du temps.

Les premières donnent le vertige par leur fièvre de mouvement et de conquête de l’espace, génératrice d’un arsenal inépuisable de moyens mécaniques capables de réduire toutes les distances, de raccourcir tout intervalle, de contenir dans une sensation d’ubiquité tout ce qui est épars dans la multitude des lieux. Orgasme d’un désir de possession ; angoisse obscure devant tout ce qui est détaché, isolé, profond ou lointain ; impulsion à l’expansion, à la circulation, à l’association, désir de se retrouver en tous lieux – mais jamais en soi-même. La science et la technique, favorisées par cette impulsion existentielle irrationnelle, la renforcent à leur tour, la nourrissent, l’exaspèrent : échanges, communications, vitesses par delà le mur du son, radio, télévision, standardisation, cosmopolitisme, internationalisme, production illimitée, esprit américain, esprit “ moderne ”. Rapidement le réseau s’étend, se renforce, se perfectionne. L’espace terrestre n’offre pratiquement plus de mystères. Les voies du sol, de l’eau, de l’éther sont ouvertes. Le regard humain a sondé les cieux les plus éloignés, l’infiniment grand et l’infiniment petit. On ne parle déjà plus d’autres terres, mais d’autres planètes. Sur notre ordre, l’action se produit, foudroyante, où nous voulons. Tumulte confus de mille voix qui se fondent peu à peu dans un rythme uniforme, atonal, impersonnel. Ce sont les derniers effets de ce qu’on a appelé la vocation “ faustienne ” de l’Occident, laquelle n’échappe pas au mythe révolutionnaire sous ses différents aspects, y compris l’aspect technocratique formulé dans le cadre d’un messianisme dégradé.

A l’inverse, les civilisations traditionnelles donnent le vertige par leur stabilité, leur identité, leur fermeté intangible et immuable au milieu du courant du temps et de l’histoire : si bien qu’elles furent capables d’exprimer jusqu’en des formes sensibles et tangibles comme un symbole de l’éternité. Elles furent des files, des éclairs dans le temps ; en elles agirent des forces qui consumaient le temps et l’histoire. De par ce caractère qui leur est propre, il est inexact de dire qu’elles “ furent ” – on devrait dire, plus justement et plus simplement, qu’elles sont. Si elles semblent reculer et s’évanouir dans les lointains d’un passé qui a même parfois des traits mythiques, cela n’est que l’effet du mirage auquel succombe nécessairement celui qui est transporté par un courant irrésistible l’éloigne toujours plus des lieux de la stabilité spirituelle. Du reste, cette image correspond exactement à l’image de la “ double perspective ” donnée par un vieil enseignement traditionnel : les “ terres immobiles ” fuient et se meuvent pour celui qui est entraîné par les eaux, les eaux remuent et fuient pour celui qui est fermement ancré dans les “ terres immobiles ”. (EVOLA – L’Arc et la Massue)


Original

A tale riguardo è tipico l’equivoco di chi scambia per immobilità ciò che nelle civiltà ad orientamento tradizionale ebbe un assai diverso significato: significato di immutabilità. Quelle civiltà furono civiltà dell’essere. La loro forza si manifestò appunto nella loro identità, nella vittoria da esse conseguita sul divenire, sulla «storia», sul mutamento, sull’informe fluire. Sono le civiltà che scesero nel profondo, oltre le mobili e infide acque, e nel profondo stabilirono salde radici.

L’opposizione fra le civiltà moderne e quelle tradizionali può esprimersi come segue: le civiltà moderne sono divoratrici dello spazio, le civiltà tradizionali furono divoratrici del tempo.

Le prime – le civiltà moderne – sono vertiginose per la loro febbre di moto e di conquista spaziale, generatrice di un arsenale inesauribile di mezzi meccanici atti a ridurre ogni distanza, ad abbreviare ogni intervallo, a contrarre in una sensazione di ubiquità tutto quello che è sparso nella moltitudine dei luoghi. Orgasmo di un bisogno di possesso; angoscia oscura di fronte a tutto ciò che è distaccato, isolato, profondo o lontano; impulso ad espandersi, a circolare, a associarsi e a ritrovarsi in ogni luogo – fuor che in sé stessi. La scienza e la tecnica, promosse da questo impulso esistenziale irrazionale, a loro volta lo rafforzano, lo nutriscono, lo esasperano: scambi, comunicazioni, velocità ultrasoniche, radio, televisione, standardizzazione, cosmopolitismo, internazionalismo, produzione illimitata, spirito americano, spirito «moderno».

Rapidamente la rete si estende, si rafforza, si perfeziona. Lo spazio terrestre non ha quasi più misteri. Le vie del suolo, dell’acqua, dell’etere sono dischiuse. Lo sguardo umano ha sondato i cieli più remoti, l’infini-tamente grande e l’infinitamente piccolo. Non si parla già più di altre terre ma di altri pianeti. Sul nostro, l’azione si porta fulmineamente per ogni dove. Tumulto confuso di mille voci che a poco a poco si fondono in un ritmo uniforme, atono, impersonale. Sono gli ultimi effetti di ciò che è stato chiamato il «faustismo» occidentale, il quale non esula dallo stesso mito rivoluzionario nei suoi vari aspetti, compreso quello tecnocratico formulato nel quadro di un messianismo degradato.

[24] Per contro, le civiltà tradizionali furono vertiginose appunto nella loro stabilità, nella loro identità, nel loro sussistere incrollabilmente e immutabilmente in mezzo alla corrente del tempo e della storia: sì che esse si resero capaci di esprimere perfino in forme sensibili e tangibili un adombramento dell’eternità. Esse furono isole nel tempo, baluardi nel tempo; vi agirono forze consumatrici del tempo e della storia. Appunto per questo loro carattere è inesatto dire, che esse «furono» – più giustamente sarebbe da dirsi che esse, semplicemente, sono. Se esse sembrano indietreggiare e quasi svanire nelle lontananze di un passato il quale talvolta ha perfino tratti mitici, ciò è solo il miraggio a cui soggiace necessariamente chi è trasportato da una corrente irresistibile che sempre più lo allontana dai luoghi della stabilità spirituale. Del resto, questa idea corrisponde esattamente all’imagine della «doppia prospettiva» data da un antico insegnamento tradizionale: le «terre immobili» fuggono e si muovono per chi va con le acque, le acque si muovono e fuggono per chi risiede saldamente nelle «terre immobili».

Julius Evola