IBN ARABI: DIEU VOULUT SE VOIR...

Dieu [al-haqq] voulut voir les essences [a'yân] de Ses Noms très parfaits [al-asmâ al-husnâ], que le nombre ne saurait épuiser, — et si tu veux, tu peux également dire : Dieu voulut voir Sa propre essence [’ayn] — en un objet [kawn] global qui, étant doué de l’existence [al-wujûd], résume tout l’ordre divin [al-amr], afin de manifester par là Son mystère [sirr] à Lui-même . Car la vision [ru'yâ] qu’a l’être de lui-même en lui-même n’est pas pareille à celle que lui procure une autre réalité dont il se sert comme d’un miroir : il s’y manifeste à lui-même sous la forme qui résulte du « lieu » de la vision ; celle-ci n’existerait pas sans ce « plan de réflexion » et le rayon qui s’y reflète. Dieu a d’abord créé le monde entier comme une chose amorphe et dépourvue de grâce , et semblable à un miroir qui n’a pas encore été poli ; or, c’est une règle de l’Activité divine de ne préparer aucun « lieu » sans que celui-ci ne reçoive un esprit divin, ce qui est exprimé [dans le Coran] par l’insufflation de l’Esprit divin en Adam ; et ceci n’est autre chose [d’un point de vue complémentaire du premier] que l’actualisation de l’aptitude [al-ist’dâd] que possède telle forme, préalablement disposée, à recevoir l’effusion [al-fayd] inépuisable de la révélation [at-tajallî] essentielle. Il n’y a donc [hors de la Réalité divine] qu’un pur réceptacle [qâbil] ; mais ce réceptacle provient lui-même de « l’Effusion très-sainte » [al-fayd al-aqdas] [c’est-à-dire de la manifestation principielle, métacosmique, où les « essences immuables » sont divinement « conçues », avant leur apparente projection dans l’existence relative] . Car la réalité [al-amr] tout entière, de son commencement à sa fin, vient de Dieu seul, et c’est vers Lui qu’elle retourne . Ainsi donc l’Ordre divin [al-amr] exigeait la clarification du miroir du monde ; et Adam devint la clarté même de ce miroir et l’esprit de cette forme .