Du christianisme.
Dans le christianisme, on a pour but suprême — je l’ai bien vu — de se dépouiller de soi-même, d’échapper aux liens de l’obédience aveugle. Le vestibule saint de l’Unité divine, c’est l’âme, ce couvent, abri de l’Éternel. Cette façon d’agir est venue de Jésus, âme divine et procédant de l’Esprit saint. En toi également Dieu a placé une âme sur laquelle est inscrit le signe de l’Esprit. Si tu peux t’évader de ta nature humaine, tu entres dans la vie très sainte du divin. Quiconque devient pur comme un ange s’élève au quatrième ciel avec l’esprit de Dieu.
L’enfant qui tête encor demeure emprisonné tout auprès de sa mère, au fond de son berceau. Lorsqu’il devient adulte et apte à voyager, s’il est homme vraiment, il s’attache à son père. Or donc les éléments dont tu es fabriqué sont par rapport à toi la mère par la chair, tandis que ton père est d’ordre spirituel. C’est pourquoi Jésus dit, à son ascension : « Si je monte, c’est pour aller trouver mon père. » Toi aussi, va donc vers Celui dont tu es l’âme ; tes compagnons sont loin ; tourne-toi vers ton Père. Si tu veux devenir un oiseau de haut vol, abandonne aux vautours ce monde — une charogne ; laisse aux êtres abjects ce bas monde trompeur, car ce n’est qu’aux chiens qu’on donne une charogne. (Vers 931 et suiv.)
La raison et l’au-delà.
L’aveugle-né ne te croit pas quant aux couleurs, même si durant tout un siècle tu décrivais et tu prouvais. Le blanc, le vert, le rouge et le jaune à ses yeux ne font tous à la fois qu’une même noirceur. Considère ce malheureux aveugle-né : pourrait-il voir, même soigné par l’oculiste ? Or la raison, pour voir l’état de l’au-delà, est comme cet aveugle en présence du monde. Mais, outre la raison, l’homme est doué d’un sens grâce auquel il pourra connaître les mystères. Dieu l’a glissé dans l’âme et dans le corps de l’homme à la façon du feu dans le fer et la pierre. Et par cette étincelle, alors qu’ils s’entrechoquent, ce monde et l’au-delà se montrent à là fois. Cette collision révèle le mystère ; lorsque tu as compris, va donc ! rends-toi parfait ! Tu es une copie à l’image de Dieu ; ce que tu veux savoir, cherche-le donc en toi. (Vers 427 et suiv.)
Les divers modes de l’être.
Une vapeur s’élève de la mer puis sur l’ordre de Dieu descend vers le désert. Du quatrième ciel, les rayons du soleil qui se sont répandus se mélangent à elle. Ensuite la chaleur remonte vers le ciel ; l’eau sortie de la mer s’est attachée à elle ; à ces deux éléments se joignent terre et air (= quatre éléments), et le végétal vert et charmant en résulte. Pour l’animal il se transforme en aliment et il est digéré quand l’homme l’a mangé. Alors il devient sperme et prend divers aspects ; et derechef un être humain se manifeste. Quand, telle une clarté, l’âme entre dans le corps, ce même corps devient subtil et lumineux — corps d’un petit enfant puis d’un adolescent et puis d’un homme mûr et enfin d’un vieillard ; grâce à cette âme, l’homme acquiert des connaissances, le jugement, l’entendement et la méthode. Alors son terme vient, fixé par Dieu très saint : ce qui de lui est pur s’en retourne vers Dieu, mais ce qui est poussière à la terre retourne. Chacune des parties qui forment l’univers ressemble au végétal par son évolution : de l’océan de vie chacune est une goutte. Leur temps, ayant passé, retourne sur lui-même et leur fin aboutit au recommencement. (Vers 487 et suiv.)
Mœurs et qualités louables.
Les principes d’un bon naturel sont justice, sagesse en second lieu, continence, courage. Celui qui est orné de ces quatre vertus est un sage, très droit en propos et en actes. La sagesse avertit et son âme et son cœur : ainsi, il ne devient ni fourbe ni stupide. La continence voile en son cœur le désir, bannit l’avidité de même que l’envie. Ce sage est intrépide, et pur de vil orgueil ; son être est affranchi d’audace et de couardise. L’équité est ce qui distingue sa personne ; nulle injustice ! aussi son caractère est bon. Les belles qualités sont au juste milieu également distant du trop et du trop peu. Alors qu’en ce milieu se trouve la vraie Voie, sur chacun des côtés c’est l’abîme infernal. Cette voie est tranchante et mince comme un sabre ; on ne peut y marcher ni s’y tenir longtemps. (Vers 597 et suiv.)