Evola: La conception du temps dans les civilisations traditionnelles

Il faut enfin rappeler quelle fut, dans les civilisations traditionnelles, la conception du temps : non pas une conception linéaire, irréversible, mais une conception cyclique, à périodes. D’un ensemble de coutumes, de rites et d’institutions propres soit aux civilisations supérieures, soit aux traces de celles-ci chez certains peuples dits “ primitifs ” (on peut se rapporter à ce sujet aux matériaux recueillis par l’histoire des religions – Hubert, Mauss, Eliade et d’autres), apparaît l’intention constante de ramener le temps aux origines (d’où le cycle), dans le sens d’une destruction de ce qui, en lui, est simple devenir, de le freiner, de lui faire exprimer ou refléter des structures supra-historiques, sacrées ou métaphysiques, souvent liées au mythe. De la sorte, et non comme “ histoire ”, le temps – tel une “ image mobile de l’éternité ” – acquit valeur et sens. Retourner aux origines voulait dire se rénover, boire à la source de l’éternelle jeunesse, confirmer la stabilité spirituelle, contre la temporalité. Les grands cycles de la nature suggéraient cette attitude. La “ conscience historique ” , inséparable de la situation des civilisations “ modernes ”, ne scelle que la fracture, la chute de l’homme dans la temporalité. Mais elle est présentée comme une conquête de l’homme actuel, c’est-à-dire de l’homme crépusculaire. (EVOLA – L’Arc et la Massue)

Julius Evola