Telle est la tradition rituelle attestée par un poème ancien qui veut expliquer le titre de Fils du Ciel et le principe du Pouvoir royal. Quand ils veulent, à leur tour, définir le Pouvoir royal, les Maîtres du Calendrier déclarent que le Chef a pour rôle d’instituer les Cinq Éléments et les Cinq (catégories d’) Officiers, de façon à affecter aux hommes et aux divinités (chen) des tâches bien distinctes. En répartissant les fonctions, en classant les choses et les êtres, le roi empêche un mélange des activités vulgaires et divines, un contact désordonné du Ciel et de la Terre. Le contact entre la Terre et le Ciel ne peut s’établir de manière utile et faste que par l’intermédiaire du seul Souverain, maître unique du culte public. Celui-ci fait le tour de l’Empire dans le sens du Soleil (T’ien tao), de manière à ajuster, comme les Orients aux Saisons, les Insignes des fidèles aux Vertus emblématiques des quatre quartiers du Monde ; il prouve ainsi qu’il est capable de faire régner sur « la Terre des Hommes (T’ien hia) » un Ordre céleste (T’ien Tao) : il mérite d’être appelé Fils du Ciel (T’ien tseu), car il a fait voir qu’il possède la Voie céleste (T’ien Tao). Il mérite d’être appelé Roi-suzerain (Wang) quand il a fait voir qu’il possède la Voie royale (Wang Tao) : pour cela, il doit prouver qu’il est l’Homme Unique et la seule Voie par laquelle le Ciel, les Hommes et la Terre peuvent communiquer.
*Le mot « roi » (wang) s’écrit avec un signe composé de trois traits horizontaux figurant, disent les étymologistes, le Ciel, l’Homme et la Terre, qu’unit, en leur milieu, un trait vertical, car le rôle du roi est d’unir. Les traditions conservées à propos des symboles graphiques ne sont pas, en ce cas, moins instructives que les traditions conservées à propos des symboles numériques. Pour clore l’hiver, les anciens Chinois célébraient une fête qui servait soit à rénover la Vertu du Chef, soit à instaurer un Roi de l’Année. Elle comprenait de nombreux jeux et de multiples épreuves, car un Chef doit prouver sa Vertu en triomphant dans les jeux publics. Il y avait une épreuve de beuverie : il fallait, après s’être empli de boisson, savoir encore se tenir droit. Il y avait des épreuves sexuelles : les premiers Chefs, qui semblent avoir porté le titre de « Grand Entremetteur », étaient responsables de la fécondité universelle, et, de tout temps, les Chinois ont pensé que le Soleil perd sa route (T’ien tao) si le Roi ne couche pas, au bon moment, avec la Reine. Il y avait sans doute une autre épreuve de résistance : le Chef, patinant à cloche?pied ou immobile comme une souche, attendait et provoquait la montée de la sève. Il y avait, surtout, une épreuve du mât de cocagne. Ce mât était dressé au centre de cette Maison des Hommes qui fut le prototype du Ming t’ang et qui était une maison souterraine, car, parvenu au faîte du mât, on pouvait téter le Ciel, — c’est ainsi qu’on devient Fils du Ciel, — ou plutôt la Cloche céleste, mais les tétons de la « Cloche céleste » (ce sont les stalactites) sont suspendus aux plafonds des grottes. C’est en gagnant l’épreuve de l’ascension que le nouveau Fils du Ciel méritait, devenu le trait d’union du Ciel et de la Terre, d’imposer sa taille au gnomon, sa mesure au tube?étalon : il s’était identifié à la Voie Royale.