Dans une collection de documents pour l’étude de la Bible, publiés sous la direction de F. Martin, professeur de langues sémitiques à l’Institut catholique de Paris, est parue, en 1906, la traduction française de l’un des livres les plus mystérieux de la tradition judéo-chrétienne, l’un de ces ouvrages que les catholiques nomment « apocryphes » et les protestants « pseudépigraphes » : le « Livre d’Hénoch ».

Il s’agit, en fait, d’une traduction de traduction. Cette version éthiopienne dont on connaît vingt-six manuscrits, appartient, en effet, à la Bible éthiopienne qui fut elle-même traduite du grec, selon la version de l’Eglise d’Alexandrie, entre le IVe et le VIe siècles après J.-C. Malgré ces états successifs d’un texte original perdu, rédigé probablement en araméen ou en hébreu, un spécialiste, Dillmann, estime que l’on peut se fier à la traduction éthiopienne, la seule qui soit complète : « Nous ne trouvons pas d’exemple, dit-il, que les Abyssins aient défiguré les livres de la Bible par de grandes additions ou interpolations ».

Il suffit pourtant de comparer « l’Apocalypse » de saint Jean au « Livre d’Hénoch » pour comprendre tout l’intérêt de cette source d’inspiration prophétique. F. Martin n’a pas relevé moins de vingt-quatre passages de l’Apocalypse dont la première version figure dans le « Livre d’Hénoch » qui aurait été composé, selon la majorité des spécialistes, entre le début du second tiers du IIe siècle avant notre ère et 64 avant J.-C.

On a retrouvé dans cet ouvrage non seulement l’expression d’auteurs inspirés par la tradition ésotérique juive et par les croyances des Pharisiens, mais aussi une transposition monothéiste de la cosmogonie babylonienne et des légendes mythologiques mésopotamiennes. L’influence de la religion égyptienne semble avoir été beaucoup plus restreinte et il n’est pas démontré que des sources iraniennes eussent été utilisées par les auteurs. De plus, on ne saurait nier le caractère archaïque de certains passages qui remontent à une époque bien antérieure au IIe siècle avant notre ère. On peut donc tenir pour vraisemblable la haute antiquité des traditions secrètes du « Livre d’Hénoch » et leur accorder toute l’attention qu’elles méritent.