Saadi : Extraits du Golestân (La roseraie)

Débat de l’étendard et du rideau.

Écoute cette histoire : une fois, à Bagdad, étendard et rideau entrèrent en dispute. Mécontent de subir la poussière des routes et la fatigue des cortèges, l’étendard se mit à dire par manière de reproche : « Nous sommes, tous les deux, sujets d’un même maître ; nous servons tous les deux à la cour du sultan. Or moi, je n’ai jamais un instant de repos ; par tous les temps je suis en circulation. Toi, tu n’as éprouvé ni souffrance, ni siège, ni désert, ni vent, ni tourbillon de poussière. Moi, par zèle, toujours je me tiens en avant ; pourquoi donc serais-tu plus à l’honneur que moi ? Cachant celles qui sont belles comme la lune, tu es en compagnie des pages parfumés. Mais moi, dans le voyage, aux mains des valets d’armes, je me trouve éperdu, enroulé sur moi-même. » Le rideau répondit : « Je tiens ma tête au seuil du palais, mais non pas vers le ciel comme toi ; celui qui sans motif veut porter haut la tête tombe finalement et se brise le cou. (Golestân, livre III.)

Une épitaphe.

Un grand personnage perdit un fils. On lui demanda ce qu’il convenait d’inscrire sur le monument funéraire. Il répondit : « Les versets du Coran possèdent trop de noblesse et de grandeur pour qu’il soit permis de les inscrire en telle place, car le temps les effacerait, les hommes les fouleraient aux pieds et les chiens les souilleraient. S’il faut absolument inscrire quelque chose, les vers suivants suffiront :

« Hélas ! à chaque fois qu’au jardin la verdure paraissait, que « mon cœur devenait donc joyeux ! Passe au temps du printemps, «mon ami ! tu verras la verdure couvrant la terre où je repose.» (Id., livre VII.)

Folclore, Saadi Shirazi (1210-?)