La deuxième figure sous laquelle apparaît le Dieu unique est le Dieu au moment de l’expansion, de la séparation (Auseinanderhalten), de la tension des puissances, le Dieu dans son déploiement démiurgique, où il maintient la tension des puissances en même temps que [leur] unité. Ce second des dieux intelligibles est, dans le système égyptien, Ptah (Phthas chez les Grecs, mais ce n’est là que la désinence grecque, comme on le voit dans la transcription grecque de ce nom sur la pierre de Rosette). Le nom que les Grecs lui donnent généralement, et qu’Hérodote1 déjà lui prête, est Hèphaestos ; il lui apparut comme Hèphaestos, en effet, à cause de sa qualité de démiurge. Hèphaestos passe, dans certaines représentations grecques, pour être également puissance démiurgique. C’est lui qui maintient le Tout en s’imposant avec rigueur (en s’opposant à la séparation des puissances en conflit). Quant à Hérodote, c’est surtout l’icône de Ptah qui semble l’avoir porté à le rapprocher de l’Hèphaestos grec. Il vit cette icône dans le temple du Dieu à Memphis et la mentionne lorsqu’il raconte l’histoire du roi des Perses Cambyse, déchaînant sa fureur contre les sanctuaires d’Égypte (la conquête de Cambyse fut la première à troubler le bonheur du peuple égyptien alors replié sur soi depuis tant de siècles ; Cambyse, adepte du sabisme persique et du culte des divinités aniconiques, fut enflammé d’une rage fanatique contre les idoles égyptiennes). Hérodote nous apprend donc [Hérodote : III, 37] que Cambyse, après être entré dans le temple de Ptah, <263 (397)> éclata de rire à la vue de son icône. Elle ressemble, en effet, aux Patèques phéniciens, icônes des dieux tutélaires que les Phéniciens avaient coutume de placer sur la poupe de leurs navires, et pour ceux qui ne l’eussent vue, il ajoute qu’elle était πυγμαίου ἀνδρος μίμησις [Hérodote : III, 37], l’imitation d’un homme nain. On trouve sur une frise du temple d’Idfû, notifiée dans la Description de l’Egypte, ainsi que par Creuzer dans les reproductions qui illustrent son ouvrage, une pareille icône de Ptah que Creuzer interprète manifestement à tort comme un Typhon, mais Hirt, avec plus de raison, comme une icône du démiurge égyptien : par son visage bouffi et son bas-ventre rebondi, il a pu faire, toutes proportions gardées, sur Cambyse l’impression d’un homme nain, et déclencher son rire. Pourquoi (den Grund) le démiurge égyptien était si bizarrement conformé, on pourrait l’expliquer très simplement à partir du fait que le Dieu qui contient les énergies cosmiques, les puissances disjointes, tout en les maintenant encore rassemblées, que le Dieu qui les empêche de se disloquer tout à fait, ne pouvait être reproduit d’une façon différente. Le premier turgor, vitalis, pour employer cette formule physique, le turgor, la tension des énergies cosmiques que le démiurge contient encore en lui-même, est ce qui se trouve exprimé par cette turgescence du Dieu même. Aussi cette conformation du Ptah égyptien, qui est attestée par Hérodote et que l’on peut voir sur des sculptures encore existantes (vorhanden), sert-elle à justifier à son tour l’interprétation selon laquelle Ptah est le Dieu dans le déploiement, dans la tension des puissances démiurgiques, en bref le Dieu au moment de la création. Autant donc au sujet de la deuxième figure.
L’identification est toujours implicite : Hérodote parle toujours de Hèphaestos et ne nomme jamais Phtha : cf. II, 2, 3, 99 etc. Phtha, Phthas est la transcription courante à l’époque de Schelling dérivée des écrivains grecs et latins ; la transe, actuelle est Ptah. ↩