Schuon: Qui dit tradition, dit plénitude

Original

Qui dit tradition, dit plénitude : si certaines religions n’ont pas de, langue sacrée, cela prouve, non qu’elle leur fait défaut, mais qu’elles n’en ont pas besoin, c’est-à-dire qu’elles compensent ce manque apparent par des éléments qui leur sont propres1. Le sens exprimé par la parole est indépendant du langage lui-même; cette indépendance doit donc se manifester quelque part, même si l’aspect contraire – la connexion entre le langage et son contenu – apparaît comme une norme relative2 : il doit y avoir des révélations qui ne fixent de la parole divine que le contenu et non le vêtement linguistique, et qui « remplacent », si l’on peut dire, la langue sacrée par d’autres supports immuables. (Frithjof Schuon, Perspectives spirituelles et faits humains)


Cutsinger

To speak of tradition is to speak of plenitude: if certain religions have no sacred language, this does not prove that they are in this respect [64] defective but that they have no need of one; they compensate for this apparent lack by elements proper to themselves.3 The meaning expressed by speech is independent of language itself; this independence must therefore be manifested somewhere, even if the contrary aspect—the connection between language and its content—appears as a relative norm:4 there must be revelations that determine only the content of the divine word and not its linguistic dress, “replacing” as it were the sacred language with other immutable supports.


  1. Le Bouddhisme et le Christianisme possèdent chacun plusieurs langues liturgiques, mais qui ne sont pas la « chair » même de la révélation. Du reste, si on voulait voir là un manque, on devrait s’étonner tout autant du fait que l’Islam, contrairement à ce qui a lieu dans le Christianisme et le Judaïsme, n’exige aucun rite d’adhésion; la, circoncision n’y est pas une condition indispensable. 

  2. D’une façon analogue, les castes même si elles sont naturellement inhérentes à toute collectivité intégrale, ne sauraient déterminer les individus d’une manière absolue, en sorte qu’il doit, y avoir des sociétés traditionnelles qui se placent à un autre point de vue, et même au point de vue inverse, celui de l’égalité des hommes devant Dieu, et qui de ce fait ignorent les classifications sociales. 

  3. Buddhism and Christianity each possess several liturgical languages, but these are not the very “flesh” of the revelation. If someone wishes to regard this as a lack, he ought to be just as astonished by the fact that Islam, unlike Christianity and Judaism, requires no rite of membership; circumcision is not an indispensable condition for this purpose. 

  4. In a similar way castes, though naturally inherent in every complete collectivity, cannot determine individuals in an absolute manner; hence there must be traditional societies that adopt another point of view, even an opposite point of view—that of the equality of men before God—and that because of this ignore social classifications. 

Frithjof Schuon