La méditation est vraiment un repos en Shakti. C’est un état pareil à celui du cœur qui cesserait de battre pour sentir la jouissance de la vie renaître. Méditer en Shakti est l’abandon de toutes les formes, de tout dogme, de tout gourou. Mais cette connaissance ne s’installe lentement qu’après une très longue période de soumission où justement le gourou, le dogme, la forme sont indispensables. Il faut être premièrement solidement ancré dans la dévotion de l’Ishta pour faire le moindre progrès. L’effort à tenter est illustré par l’histoire suivante : Un maître faisait méditer son disciple sur un buffle, dans la chambre à côté de lui. Après six mois de travail le gourou appela son disciple qui se leva précipitamment pour lui répondre. Six mois plus tard, le disciple fit encore de même et le maître le renvoya à sa méditation, mais une année plus tard, quand le maître appela, le disciple se mit à pleurer : « Oh! mon maître, je voudrais bien venir, mais la porte est trop étroite, mes cornes ne passeront jamais! »
C’est à partir du moment où la concentration sur la forme est ainsi parfaite que la liquéfaction de celle-ci peut commencer. La même Shakti est opérante dans les deux sens. Le sentier de la méditation en Shakti est étroit comme « le fil du rasoir », car Shakti travaille à délier esprit et matière comme elle les avait premièrement liés pour se laisser adorer, pour servir, pour créer. Il faut être solidement préparé et épaulé pour affronter ce stade où le moindre obstacle du disciple à la vibration divine amènerait un trouble profond. Il faut s’avancer sur cette voie avec une humilité totale et ne pas jouer avec la Force divine avant que celle-ci ne se manifeste d’elle-même. On raconte qu’un sâdhak, après de longues austérités, voulut vivre porté par elle. Le maître auquel il s’adressa lui dit : « Si tu te crois prêt, entre dans cette caverne. Médite sans t’arrêter, les yeux fermés. Refuse toute vision autre que celle de ton Ishta. Une seule fois par jour, sors de ton rocher. Près de l’ouverture coule une source à côté d’un arbre à fruits. Bois une seule gorgée d’eau, cueille un seul fruit et retourne à ta méditation. » Le sâdhak suivit ces ordres strictement. Mais au neuvième jour, après avoir mangé le fruit, il fut soudain tenté d’en cueillir un second. Quand il mordit ce fruit, la terre trembla. La caverne disparut, et l’arbre et la source, et il se trouva jeté sur le sol, mourant de la faim qu’il n’avait jamais ressentie!
Telle est la leçon de Shakti quand, la raison obscurcissant l’intuition, la vision du chercheur est momentanément troublée. Mais le point de grâce existe. Il est dans le fait même de Shakti liant toutes choses entre elles. Ce lien immuable entre la créature et son Créateur est la grâce même de Shakti.