Le mot représentation, qui a dénaturé toute la théorie de la connaissance, dit Mairena en cours de rhétorique, prête à de nombreuses confusions pouvant être funestes pour le poète. Les choses sont présentes dans la conscience ou absentes d’elle. Il n’est pas facile de démontrer et personne en effet n’a démontré qu’elles étaient représentées dans la conscience. Mais, même si l’on admet qu’il existe dans la conscience une sorte de miroir qui reflète des images plus ou moins semblables aux choses mêmes, il faut toujours se demander : comment la conscience perçoit-elle les images de son propre miroir? Car une image dans un miroir pose le même problème de perception que l’objet lui-même. Il semble convenu d’attribuer au miroir de la conscience le pouvoir miraculeux d’être conscient, et l’on donne pour acquis qu’une image dans la conscience est la conscience d’une image. Ainsi esquive-t-on l’éternelle question, évidente pour le bon sens : celle de l’absolue hétérogénéité entre les actes de conscience et leurs objets.
Vous qui vous destinez à la poésie, artistes créateurs d’images, vous êtes invités à y réfléchir. Car vous aurez aussi à batailler avec des présences et des absences, en aucun cas avec des copies, des traductions ou des représentations. [tr. Victor Martinez]