Attar (HMAP) – Le débat de l’huile et de l’eau.

On raconte qu’un homme instruit se trouvait à une séance donnée par le Cheikh Abou Ishâq de Kazeroun. Quand la séance fut terminée, il vint se jeter aux pieds du cheikh, et lui dit : « Tandis que tu parlais, voici ce qui me vint à l’esprit : ma science est plus étendue que la sienne, je m’applique à gagner ma subsistance et je me procure à grand peine mon pain quotidien ; et ce cheikh, quelle sagesse possède-t-il, malgré toute sa réputation, son succès et tout l’argent qui passe par ses mains ? Au moment même où je me disais cela, tu jetas les yeux sur la lampe et tu dis ceci : « L’huile et l’eau furent en rivalité de gloire à propos de cette lampe ; l’eau disait : J’ai plus de prix et de vertus que toi ; ta vie et tout ce qui te concerne dépendent de moi1 ; pourquoi donc te mets-tu au-dessus de moi ? Et l’huile répondit : Parce que j’ai supporté maintes souffrances que tu n’as pas subies — semaille, cueillette, foulage et pressage — et malgré tout cela, je brûle moi-même pour donner de la lumière aux humains ; mais toi, tu vas à ta guise ; et si l’on jette quelque chose sur toi, tu cries et tu te troubles ; voilà pourquoi je me tiens au-dessus de toi ». (Tadhkiratu’l Awliya, éd., R. A. Nicholson, London, 1905-7, II, p. 294.)


  1. Cf. Coran, XXI, 31. 

Attar (1145-1221)