Lie-tzeu: un devin

Wieger

Un devin des plus transcendants, nommé Ki-hien, originaire de la principauté de Ts’i, s’établit dans celle de Tcheng. Il prédisait les malheurs et la mort, au jour près, infailliblement. Aussi les gens de Tcheng, qui ne tenaient pas à en savoir si long, s’enfuyaient-ils du plus loin qu’ils le voyaient venir. — Lie-tzeu étant allé le voir, fut émerveillé de ce qu’il vit et entendit. Quand il fut revenu, il dit à son maître Hou-K’iou-tzeu : Jusqu’ici je tenais votre doctrine pour la plus parfaite, mais voici que j’en ai trouvé une supérieure. — Hou-K’iou-tzeu dit : C’est que tu ne connais pas toute ma doctrine, n’ayant reçu de moi que l’enseignement exotérique, et non l’ésotérique. Ton savoir ressemble aux œufs que pondent les poules privées de coq ; il y manque (le germe) l’essentiel. Et puis, quand on discute, il faut avoir une foi ferme en son opinion, sous peine, si l’on vacille, d’être deviné par l’adversaire. C’est ce qui te sera arrivé. Tu te seras trahi, et auras pris ensuite le flair naturel de Ki-hien pour de la divination transcendante. Amène-moi cet homme, pour que je voie ce qui en est. — Le lendemain, Lie-tzeu amena le devin chez Hou-K’iou-tzeu, sous prétexte de consultation médicale. Quand il fut sorti, le devin dit à Lie-tzeu : Hélas ! votre maître est un homme mort. C’en sera fait de lui, avant peu de jours. J’ai eu, en l’examinant, une vision étrange, comme de cendres humides, présage de mort. — Quand il eut congédié le devin, Lie-tzeu rentra, tout en larmes, et rapporta à Hou-K’iou-tzeu ce qu’on venait de lui dire. Hou-K’iou-tzeu dit : C’est que je me suis manifesté à lui, sous la figure d’une terre inerte et stérile, toutes mes énergies étant arrêtées, (aspect que le vulgaire ne présente qu’aux approches de la mort, mais que le contemplatif présente à volonté). Il y a été pris. Amène-le une autre fois, et tu verras la suite de l’expérience. — Le lendemain Lie-tzeu ramena le devin. Quand celui-ci fut sorti, il dit à Lie-tzeu : Il est heureux que votre maître se soit adressé à moi ; il y a déjà du mieux ; les cendres se raniment ; j’ai vu des signes d’énergie vitale. … Lie-tzeu rapporta ces paroles à Hou-K’iou-tzeu, qui dit : C’est que je me suis manifesté à lui sous l’aspect d’une terre fécondée par le ciel, l’énergie montant de la profondeur sous l’influx d’en haut. Il a bien vu, mais mal interprété, (prenant pour naturel ce qui est contemplation). Amène-le encore, pour que nous continuions l’expérience. — Le lendemain Lie-tzeu ramena le devin. Après avoir fait son examen, celui-ci lui dit : Aujourd’hui j’ai trouvé à votre maître un aspect vague et indéterminé, duquel je ne puis tirer aucun pronostic ; quand son état se sera mieux défini, je pourrai vous dire ce qui en est. … Lie-tzeu rapporta ces paroles à Hou-K’ioutzeu, qui dit : C’est que je me suis manifesté à lui sous la figure du grand chaos non encore différencié, toutes mes puissances étant en état d’équilibre neutre. Il ne pouvait de fait tirer rien de net de cette figure. Un remous dans l’eau peut être causé aussi bien par les ébats d’un monstre marin, par un écueil, par la force du courant, par un jaillissement, par une cascade, par la jonction de deux cours d’eau, par un barrage, par une dérivation, par la rupture d’une digue ; effet identique de neuf causes distinctes, (donc impossibilité de conclure directement du remous à la nature de sa cause ; il faut qu’un examen ultérieur détermine celle-ci). Amène-le une fois encore, et tu verras la suite. — Le lendemain, le devin étant revenu, ne s’arrêta qu’un instant devant Hou-K ’iou-tzeu, n’y comprit rien, perdit contenance et s’enfuit. … Cours après lui, dit Hou-K ’iou-tzeu. … Lie-tzeu obéit, mais ne put le rattraper. … Il ne reviendra pas, dit Hou-K’iou-tzeu. C’est que je lui ai manifesté ma sortie du principe primordial avant les temps, une motion dans le vide sans forme apparente, un bouillon de la puissance inerte. C’était trop fort pour lui, voilà pourquoi il a pris la fuite. — — Constatant que de fait il n’entendait encore rien à la doctrine ésotérique de son maître, Lie-tzeu se confina dans sa maison durant trois années consécutives. Il fit la cuisine pour sa femme, il servit les porcs comme s’ils eussent été des hommes, (pour détruire en soi les préjugés humains). Il se désintéressa de toutes choses. Il ramena tout ce qui en lui était culture artificielle, à la simplicité naturelle primitive. Il devint fruste comme une motte de terre, étranger à tous les événements et accidents, et demeura ainsi concentré en un jusqu’à la fin de ses jours.


Preciado Idoeta

En el estado de Zheng había un shen wu (adivino genial), venido de Qi, que se llamaba Ji Xian. Preveía la muerte y la vida, la aparición y la desaparición, la felicidad y la desgracia, la longevidad y la brevedad de las vidas. Predecía las fechas (año, mes, semana y día) de los acontecimientos con la exactitud de un espíritu.

Las gentes de Zheng le evitaban cuando le veían venir. Lie zi fue a verle y quedó como embriagado por aquel hombre. Regresó y dijo a Hu Qiu zi: «Antes tenía vuestra doctrina (dao) como la más perfecta, pero ahora he encontrado otra más perfecta aún».

Hu zi le dijo: «Yo te he enseñado del dao la letra, pero no la esencia. ¿Pensabas haber alcanzado el dao? Tus conocimientos son como el huevo de las gallinas sin gallo. Tú te has enfrentado con el mundo lleno de confianza porque creías poseer el dao; y eso es lo que ha permitido que ese hombre te conociera a fondo. Tráelo contigo, a ver si puede conocerme a mí».

Al día siguiente Lie zi se presentó ante Hu zi con el adivino. Al salir, éste dijo a Lie zi: «¡Ay! Tu maestro está al borde de la muerte. A lo sumo vivirá unos días. He visto en él algo extraño; he visto “cenizas húmedas” (cal muerta).»

Lie zi entró, bañado en lágrimas, y se lo contó a Hu zi. Éste le dijo; «Acabo de mostrarme ante él bajo la imagen de la tierra, inmóvil, inerte; sólo ha podido ver en mí una paralización del mecanismo vital (de ji). Tráele otra vez».

Al día siguiente volvió ante Hu zi con el adivino. Éste dijo a Hu zi al salir: «Ha sido una suerte para tu maestro el encontrarse conmigo; hoy está mejor. Vivirá: la paralización ha desaparecido».

Lie zi entró a decírselo a Hu zi. Éste le explicó: «Esta vez me he mostrado ante él bajo la imagen del cielo, sin ningún interés por la fama y las riquezas. La energía vital subía desde mis talones con toda fluidez; sólo ha podido ver la buena disposición de mi mecanismo vital. Tráele una vez más».

Al día siguiente volvió a ver a Hu zi con el adivino, quien dijo al salir: «A tu maestro le faltaba hoy concentración; no he podido examinarle bien. Que trate de concentrarse y volveré a examinarle». Lie zi entró a comunicárselo a Hu zi. Éste le dij o: «Esta vez me he presentado ante él como tai chong (vacío supremo), en el que la ausencia de señales es completa. Sólo ha podido vislumbrar el equilibrio de mi mecanismo vital (qi ji). Hay abismos formados por aguas removidas por una ballena; abismos formados por aguas tranquilas; abismos formados por aguas que fluyen sin cesar; abismos formados por aguas desbordadas; abismos formados por aguas fértiles; abismos formados por aguas que discurren oblicuamente; abismos formados por aguas estancadas; abismos formados por aguas que riegan una zona pantanosa; abismos formados por aguas grasas. Ésas son las nueve clases de abismos. Vuelve otra vez con él».

Al día siguiente se presentó con el adivino. Éste, nada más entrar, se marchó descompuesto. Hu zi le dijo: «Síguele». Lie zi le siguió, pero no logró alcanzarle; volvió a informar a Hu zi: «Ha desaparecido sin dejar rastro: no he podido alcanzarle».

Hu zi le explicó: «Acabo de mostrarme ante él sin haber salido aún de mi origen (identificado con mi principio); me he presentado en mi vacío, como algo indefinible, de modo que él no podía saber qué era lo que tenía delante. Me he limitado a imitar a las hierbas que se curvan al viento y al discurrir de las olas. Eso es lo que le ha hecho huir».

Después de esto, Lie zi regresó a su hogar convencido de que aún no había aprendido nada de su maestro. No emprendió nada en tres años; hacía la comida para su mujer y daba de comer a los cerdos como si fueran personas. Se despreocupó de los asuntos mundanos. Consiguió que la gema esculpida retomara a su original estado bruto (suprimiendo de su espíritu todo lo artificial y añadido, volvió a su prístina simplicidad); su cuerpo era como un bloque que se yergue solitario. En medio de la agitación circundante, permanecía impenetrable. Conservó su unidad original hasta el fin de su vida.

Lie-tzeu