Cette page est une de celles, assez fréquentes, où le sens du texte peut s’ entendre sur deux plans : la traduction expresse qui précède se rapporte au plan moral et sentimental, au plan individuel et humain. Le Sage prend patience en attendant les biens définitifs que procure la Voie, parce que, l’un après l’autre, il reçoit d’elle un appui (matériel), une abondance (sentimental), un esprit fidèle et droit (intellectuel). Et, comme il n’a jamais oublié le nom de la Voie, la conscience de soi-même lui donne l’espérance de la Voie. C’est dans ce sens qu’il dirige l’humanité par ses affections, et aussi par ses exemples.
Voici la paraphrase de cette même page, en donnant aux caractères leur sens philosophique, c’est-à-dire en transposant la page sur le plan métaphysique :
Les formes de la Vertu, voilà la seule manière de voir la Voie.
La Voie est la Totalité éternelle et immuable : au dedans d’elle, on peut supposer des images, elle est éternelle et immuable ; au dedans d’elle, on peut voir des êtres sans nombre, elle est éternelle et profonde ; au dedans d’elle, on peut concevoir l’essence, cette essence étant immuable et rigide. Au dedans d’elle, il y a la continuité ; son nom n’a jamais passé. Elle donne à tous les êtres naissance, direction et aspiration. Comment peut-elle tout cela ? Par elle-même.
Ainsi, l’humanité distingue dans la Voie (dans la création) des images physiques, des êtres animés individuels, et une essence générale éternelle. Les trois conceptions que l’humanité peut ainsi se faire de la Voie correspondent aux trois plans où elle peut concevoir, et aux trois situations dans lesquelles (par la première interprétation du texte) le Sage prend patience. Mais, que ce soit l’essence, que ce soient les êtres formels, que ce soient les images, ce ne sont jamais là que des apparences imparfaites. Les images correspondent au plan matériel, et sont les formes du courant des créations ; les êtres correspondent au plan sentimental, et sont les individus qui animent les formes ; l’essence correspond au plan métaphysique, et elle est la personnalité totalisée des individus et délivrée des formes. En réalité, la Voie ne se conçoit que comme la Personnalité réintégrée, et par conséquent, détruite au profit de l’Unité. C’est pourquoi elle est véritablement à la fois dans l’Être et dans le Non-Être, et c’est pourquoi elle demeure inintelligible aux hommes, qui ne sont que des parcelles indéfiniment divisibles de l’ Être, et qui demeurent au-dessous de la conception du Non-Être identique.