Qâsim-ol-Anvâr: L’attrait du péché.

Un nègre, né à Zanzibar, passait sa vie sans foi ni loi ; le démon do l’insouciance avait livré sa vie au vent. Il conservait dans une jarre quelques mesures de mélasse ; un jour, un chat, par aventure, y tomba et trouva la mort. Le nègre prit, retira vite de la jarre ce maudit chat tué par son avidité. Portant le chat, tout ennuyé, il alla devant le cadi et dit sa mauvaise fortune. Devant nobles et roturiers, le cadi rendit cet arrêt : « Cette mélasse est polluée ; on ne peut plus la consommer. » Ce nègre qui ne valait rien, n’écoutant pas cette sentence, dit au cadi : « Tu t’es trompé ! Je l’ai goûtée ; je l’ai trouvée très agréable dans ma bouche ; donc, du moment qu’elle est suave, pourquoi serait-elle interdite ? Si ma mélasse était amère, je l’aurais sans hésitation interdite de par la Loi. » Comme le naturel du nègre était impur et mal tourné, forcément il ne pouvait pas distinguer du bon le mauvais. O toi dont le visage est sombre comme le visage des nègres, la piété te semble amère et le péché te semble doux. Le mensonge paraît suave au goût de la concupiscence ; si la vérité semble amère, ce n’est qu’aux natures vulgaires. Dès lors que le tempérament est incommodé par la bile, le sucre qu’on met en la bouche prend la saveur du vitriol. D’un bout à l’autre, ce bas monde rend malades les cœurs des hommes, et leurs visages se flétrissent par le désir d’or et d’argent. O toi ! captif dans le filet des voluptés de ce bas monde, ne meurs donc pas comme ce chat, par le grand désir des douceurs. Bien que le service de Dieu paraisse pénible à tes yeux, c’est ce médicament amer qui guérira ce dont tu souffres, car ce médicament amer est finalement salutaire, apportant à l’être malade la guérison et la santé. (QÂSIM-OL-ANVÂR – Browne, III, p. 482.)

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