Malheur à quiconque me reprocherait de prêcher ici en faveur de ce que le vulgaire appelle inspiré ! Je sais trop, ainsi que toi, combien ce mot est peu de mise, pour que j’ose le prononcer et en prendre la défense; mais la peur des mots ne doit pas nous aveugler l’un et l’autre sur la nature des choses, et c’est l’essence caractéristique de l’homme qui me conduit d’elle-même aux démonstrations que je te soumets.
D’ailleurs, en accordant de tout mon cœur la radiation de ce mot si réprouvé, et avec lequel on pourrait réprouver tout, il faudra aussi qu’on m’accorde que s’il a fait commettre une erreur, c’est une erreur bien pardonnable; car, lorsque j’examine la nature physique, j’y vois qu’aucunes substances, qu’aucunes matières organisées ne peuvent exister et remplir leur loi sans une sorte d’insufflation de la vie, de l’air qui les pénètre, qui les réactionne, et qui, s’il se retire, les laisse dans la mort et dans la nullité; j’y vois aussi que plus l’air qu’elles respirent est pur et abondant, plus elles jouissent de leur force et de leur santé. Pourquoi donc l’homme esprit n’aurait-il pas également besoin de la réaction d’un mobile qui eût de l’affinité avec lui, qui fît sortir de lui toute la vigueur de ses propriétés radicales, et à l’égard duquel il fût dans la dépendance, comme les corps de la nature le sont à l’égard de l’air de notre atmosphère ? Et sous ce rapport, je ne vois pas comment, sur la terre, il y aurait un seul homme qui ne fût pas inspiré. La seule chose qu’il y aurait à examiner scrupuleusement, ce serait l’espèce d’inspiration de chacun d’eux, car l’air peut avoir également différentes qualités dans l’une et dans l’autre de ces deux régions.
(Lettre à un ami sur la Révolution française.)