S’ils (les géomètres) ne se sont pas fait encore une idée plus juste du mouvement, n’est-ce pas toujours par la même méprise qui leur fait confondre les choses les plus distinctes, n’est-ce pas parce qu’ils ne cherchent que dans l’étendue, au lieu de chercher dans son principe ?
Car cette étendue n’ayant que des propriétés relatives, ou des abstractions, il lui est impossible de rien offrir de fixe, et d’assez stable pour que l’intelligence de l’homme s’y repose d’une manière satisfaisante; et vouloir trouver dans elle la source de son mouvement, c’est répéter toutes ces tentatives insuffisantes qui ont déjà été renversées, et vouloir soumettre le principe à sa production, pendant que, selon l’ordre naturel et vrai des choses, l’oeuvre fut toujours au-dessous de son principe générateur.
C’est donc dans le principe immatériel de tous les êtres, soit intellectuels, soit corporels, que réside essentiellement la, source du mouvement qui se trouve en chacun d’eux. C’est par l’action de ce principe que se manifestent toutes leurs facultés, selon leur rang et leur emploi personnel, c’est-à-dire, intellectuelles dans l’ordre intellectuel, et sensibles dans l’ordre sensible.
Or, si la seule action du principe des êtres corporels est le mouvement, si c’est par là seul qu’ils croissent, qu’ils se nourrissent; enfin qu’ils manifestent et rendent sensibles et apparentes toutes leurs propriétés, et par conséquent l’étendue même, comment peut-on donc faire dépendre ce mouvement de l’étendue ou de la matière, puisque au contraire c’est l’étendue ou la matière qui vient de lui ? Comment peut-on dire que ce mouvement appartienne essentiellement à la matière, pendant que c’est la matière qui appartient essentiellement au mouvement ?
Il est incontestable que la matière n’existe que par le mouvement; car nous voyons que quand les corps sont privés de celui qui leur est accordé pour un temps, ils se dissolvent et disparaissent insensiblement. Il est tout aussi certain, par cette même observation, que le mouvement qui donne la vie aux corps, ne leur appartient point en propre, puisque nous le voyons cesser dans eux, avant qu’ils aient cessé d’être sensibles à nos yeux; de même que nous ne pouvons douter qu’ils ne soient absolument dans sa dépendance, puisque la cessation de ce mouvement est le premier acte de leur destruction. (…)
Concluons donc que, si tout disparaît à mesure que le mouvement se retire, il est évident que l’étendue n’existe que par le mouvement, ce qui est bien différent de dire que le mouvement est à l’étendue et dans l’étendue.
(Des Erreurs et de la Vérité.)