C’est cette surimposition réciproque du Soi (atman) et du non-Soi (anatman), dénommée non-savoir, que présupposent toutes les activités pratiques (vyava-hara) développées par les moyens (pramana) et objets (prameya) de connaissance, védiques et profanes, ainsi que tous les enseignements (sastra) visant à prescrire, à interdire ou à délivrer.
La surimposition ainsi caractérisée, les gens cultivés estiment qu’elle est non-savoir (avidya) ils appellent savoir (vidya) le fait de circonscrire la nature propre d’une chose en la discriminant. Cela étant, là où une chose se surimpose à une autre, [le Soi ou le non-Soi] n’est pas affecté le moins du monde par une qualité ou par un défaut nés de ladite [surimposition].
C’est cette surimposition réciproque du Soi (atman) et du non-Soi (anatman), dénommée non-savoir, que présupposent toutes les activités pratiques (vyava-hara) développées par les moyens (pramana) et objets (prameya) de connaissance, védiques et profanes, ainsi que tous les enseignements (sastra) visant à prescrire, à interdire ou à délivrer.
Objection. :— Mais comment la perception immédiate (pratyaksa) et autres moyens de connaissance, ainsi que les enseignements, auraient-ils un objet consistant en non-savoir?
Réponse. — Parce que les moyens de connaissance ne peuvent entrer en fonction s’il n’v a pas un agent de connaissance (pramatr), lequel n’existe pas sans la vaine présomption (abhimana) que le corps, les organes des sens, etc., sont ‘le moi’ ou ‘à moi’. Si en effet les organes des sens ne sont pas posés, la perception et autres moyens de connaissance ne peuvent opérer, et d’autre part les organes des sens ne peuvent opérer sans support matériel (adhisthana). Or nul n’agit par l’entremise d’un corps auquel le Soi n’a pas été surimposé. Si rien de tout cela n’était, le Soi, n’ayant pas d’attache, ne pourrait devenir agent de connaissance : or sans agent de connaissance, les moyens de connaissance [comme on vient de le dire] n’entrent pas en fonction.
Donc la perception et autres moyens de connaissance ont, comme les enseignements, un objet qui consiste en non-savoir.
[La même conclusion découle] aussi de ce qu’il n’y a pas de distinction [à cet égard entre l’homme et les animaux], gros bétail et autres. Les bêtes en effet, quand une perception —- le son par exemple — entre en connexion avec leurs organes — les oreilles par exemple —, reculent si la connaissance [qu’elles tirent] dudit son est défavorable, avancent si elle est favorable. Ainsi quand elles aperçoivent en face d’elles un homme qui a en main un bâton levé, elles se mettent à fuir, se disant ‘il va me frapper’; quand elles aperçoivent quelqu’un qui a la main pleine d’herbe tendre, elles vont à sa rencontre. De même les humains, dont l’intellect est évolué, s’éloignent quand ils aperçoivent des gens vigoureux, aux yeux farouches, qui hurlent et brandissent des sabres, ils s’approchent vers ceux qui ont une attitude inverse.Il y a donc un comportement semblable des hommes et des bêtes en regard des moyens et objets de connaissance.
Or il est établi que le comportement des bêtes en regard de la perception et autres moyens de connaissance présuppose la non-distinction [du Soi et du non-Soi] (aviveka). On conclura que les hommes, qui ont même apparence [que les bêtes] tout en étant plus évolués, se comportent comme elles en regard de la perception et autres moyens de connaissance, pour autant que dure la [surimposition].