Le bien et le mal ne sont pas, à rigoureusement parler, des catégories existentielles comme le sont l’objet, le sujet, l’espace, le temps ; car le bien est l’être même des choses — que les catégories manifestent précisément — en sorte que les choses sont somme toute des « modes du bien » ; tandis que le mal indique paradoxalement l’absence de cet être tout en annexant certaines choses ou certains caractères au niveau qui lui est accessible et en vertu de prédispositions qui le lui permettent. Mais en dépit de cette réserve, on pourrait considérer le bien et le mal comme des catégories existentielles pour les raisons suivantes. Le bien comprend, d’une part, tout ce qui manifeste les qualités du Principe divin ; d’autre part, toute chose en tant qu’elle manifeste par son existence ce même Principe et aussi en tant qu’elle remplit une fonction ontologiquement nécessaire. Le mal, de son côté, comprend tout ce qui manifeste une privation au point de vue des qualités ou à celui de l’Être même ; il est nocif sous divers rapports, cette nocivité fût-elle neutralisée et compensée, dans tels cas particuliers, par des facteurs positifs. C’est dire qu’il y a des choses qui sont mauvaises ou nocives en principe mais non en fait, comme il y en a d’autres qui sont bonnes ou bénéfiques de cette même manière1 ; ce qui contribue au déploiement du jeu cosmique, avec ses innombrables combinaisons. (Frithjof Schuon, Avoir un centre)
Car il y a, par exemple, la laideur physique de tel homme bon et la beauté physique de tel homme mauvais. ↩