SONNET XXII

Mon âme est un pompeux spectacle, homme à homme.
De quelque art égyptien plus que l’Egypte vieux,
Trouvé dans quelque tombe au rite impénétrable
Où s’est réduit le reste en poudre colorée.

Et, quel qu’en soit le sens, son âge s’apparie
A celui des pontifes autour de Dieu pressés,
Alors que le savoir était si grand qu’il était crime
Et de l’homme l’âme trop humaine pour son séjour.

Mais sur le sens de ce spectacle
Moi me vais-je interrogeant,
Pris du désir soudain de l’observer, je perds
Le sentiment que j’avais de le voir, et c’est en vain

Que je tente à nouveau de regarder, ma mémoire impuissante
Qui semble se remémorer – ce rien, la sensation
Inane et vide d’avoir déjà vu ces murs.

(Traduit de l’anglais par Armand Guibert.)

Fernando Pessoa (1888-1935)