Wieger
H. — La Pureté demanda à l’infini : connaissez-vous le Principe ? —¦ Je ne le connais pas, dit l’Infini. — Alors la Pureté demanda à l’Inaction : connaissez-vous le Principe ? — Je le connais, dit l’Inaction. — Par réflexion ou par intuition ? demanda la Pureté — Par réflexion, dit l’Inaction. — Expliquez-vous, fit la Pureté. — Voici, dit l’Inaction : Je pense du Principe qu’il est le confluent des contrastes, noblesse et vulgarité, collection et dispersion ; je le connais donc par réflexion. — Pureté s’en fut consulter l’Etat primordial. Lequel, demanda-t-elle, a bien répondu ? Qui a raison, et qui a tort ? — L’Etat primordial dit : L’Infini a dit, je ne connais pas le Principe ; cette réponse est profonde. L’Inaction a dit, je connais le Principe ; cette réponse est superficielle. L’Infini a eu raison de dire qu’il ne savait rien de l’essence du Principe. L’Inaction a pu dire qu’elle le connaissait, quant à ses manifestations extérieures. — Frappée de cette réponse, Pureté dit : Ah ! alors, ne pas le connaître, c’est le connaître [son essence], le connaître [ses manifestations], c’est ne pas le connaître [tel qu’il est en réalité]. Mais comment comprendre cela, que c’est en ne le connaissant pas qu’on le connaît? — Voici comment, dit l’Etat primordial. Le Principe ne peut pas être vu ; ce qui se voit, ce n’est pas lui. Le Principe ne peut pas être énoncé; ce qui s’énonce, ce n’est pas lui. Peut-on concevoir autrement que par la raison [pas par l’imaginaton], l’être non sensible qui a produit tous les êtres sensibles ? Non sans doute ! Par conséquent, le Principe, qui est cet être non sensible, ne pouvant être imaginé, ne peut pas non plus être décrit. Retenez bien ceci : celui qui pose des questions sur le Principe, et celui qui y répond, montrent tous deux qu’ils ignorent ce qu’est le Principe. On ne peut, du Principe, demander ni répondre ce qu’il est. Questions vaines, réponses ineptes, qui supposent, chez ceux qui les font, l’ignorance de ce qu’est l’univers et de ce que fut la grande origine. Ceux-là ne s’élèveront pas au-dessus des hauteurs terrestres [le mont K’ounn-lunn]. Ils n’atteindront pas le vide absolu de l’abstraction parfaite. [Tchoang-tzeu, 22.]
Burton Watson
At this point, Grand Purity asked No-End, “Do you understand the Way?”
“I don’t understand it,” said No-End.
Then he asked No-Action, and No-Action said, “I understand the Way.”
“You say you understand the Way—is there some trick to it?”
“There is.”
“What’s the trick?”
No-Action said, “I understand that the Way can exalt things and can humble them; that it can bind them together and can cause them to disperse.1 This is the trick by which I understand the Way.’
Grand Purity, having received these various answers, went and questioned No-Beginning, saying, “If this is how it is, then between No-End’s declaration that he doesn’t understand, and No-Action’s declaration that he does, which is right and which is wrong?”
No-Beginning said, “Not to understand is profound; to understand is shallow. Not to understand is to be on the inside; to understand is to be on the outside.”
Thereupon Grand Purity gazed up2 and sighed, saying, “Not to understand is to understand? To understand is not to understand? Who understands the understanding that does not understand?”
No-Beginning said, “The Way cannot be heard; heard, it is not the Way. The Way cannot be seen; seen, it is not the Way. The Way cannot be described; described, it is not the Way. That which gives form to the formed is itself formless—can you understand that? There is no name that fits the Way.”
No-Beginning continued, “He who, when asked about the Way, gives an answer does not understand the Way; and he who asked about the Way has not really heard the Way explained. The Way is not to be asked about, and even if it is asked about, there can be no answer. To ask about what cannot be asked about is to ask for the sky. To answer what cannot be answered is to try to split hairs. If the hair-splitter waits for the sky-asker, then neither will ever perceive the time and space that surround them on the outside, or understand the Great Beginning that is within. Such men can never trek across the K’un-lun, can never wander in the Great Void!”