… Au lieu de scruter profondément ces bases radicales, les hommes ont laissé errer vaguement leur pensée sur les questions oiseuses qui ne pouvaient rien leur apprendre, et les écartaient d’autant des vrais sentiers qu’ils auraient dû suivre. Telle est, par exemple, cette puérile question de la divisibilité de la matière qui retient comme dans l’enfance toutes les écoles.
Ce n’est point la matière qui est divisible à l’infini; c’est la base de son action, ou si l’on veut, les puissances spiritueuses de ce qu’on peut appeler l’esprit de la matière ou de l’esprit astral. Ces puissances sont innombrables. Dès l’instant qu’elles doivent se transformer en caractères et figures sensibles, elles ne manquent pas de substances pour cela, puisqu’elles en sont imprégnées et qu’elles les produisent de concert avec le pouvoir élémentaire auquel elles s’unissent. C’est par là qu’ici-bas tout ce qui existe se crée la substance de son propre corps.
Or, la petitesse infinie des corps, telle que dans certains insectes, ne doit point surprendre, quoiqu’ils soient complètement organisés pour leur espèce. Tous les corps ne sont qu’une réalisation du plan de l’esprit astral et de la substance spiritueuse particulière opérative de chaque corps; et c’est ici qu’il faut se pénétrer d’une vérité qui est que, dans toutes les régions, l’esprit ne connaissant point l’espace, mais seulement de l’intensité dans ses vertus radicales, il n’y a pas une seule puissance spiritueuse de l’esprit, qui, quand même elle ne se rendrait pas sensible matériellement, ne le soit selon l’élément caché, ou selon la corporisation supérieure que nous avons présentée précédemment sous le nom de l’éternelle nature.
Le passage de cette région-là à la région matérielle n’a lieu que par la plus extrême concentration et atténuation de cette puissance spiritueuse de l’esprit, sur laquelle le pouvoir élémentaire étend ses droits pour lui aider à former son corps ou son enveloppe. Ce pouvoir élémentaire a une puissance complète dans sa région; il l’exerce avec un empire universel sur toutes les bases spiritueuses qui se présentent à lui: elles et lui ne se joignent que par leur minimum, qui ici se trouve en sens inverse, puisque l’un est le minimum de l’atténuation, et l’autre, le minimum de la croissance ou du développement. La base spiritueuse opère à son tour par son action vive une réaction sur le pouvoir élémentaire; ce qui fait qu’à mesure que cette base se développe, le pouvoir élémentaire se développe aussi pour la poursuivre, comme on le voit à la croissance des arbres et des animaux.
Quand cette base a acquis par ce moyen un degré de force qui l’affranchisse de l’empire du pouvoir élémentaire, elle s’en sépare; ce qui se voit à toutes les floraisons, à toutes les manifestations des odeurs, des couleurs, ou enfin à la maturité de toutes les productions. Chacune abandonne son matras lorsqu’il n’a plus le pouvoir de la retenir, et alors ce matras retombe dans son minimum, pour ne pas dire son néant, puisqu’il n’a plus de bases spiritueuses qui le réactionnent.
Ainsi, premièrement, la matière n’est pas divisible à l’infini, en la considérant sous le rapport de la divisibilité de sa substance, opération que nous avons démontré ailleurs ne pouvoir pas même commencer, comme on le voit aux corps organiques qui ne peuvent se diviser sans périr; secondement, elle n’est pas même divisible à l’infini dans chacune de ses actions particulières, puisque chacune de ces actions particulières cesse dès que la base spiritueuse qui lui sert de sujet est retirée; aussi la limite de cette action est la retraite et la disparition de cette même base.
Quant à la divisibilité considérée abstractivement et dans notre pensée, elle a encore moins de possibilité, puisque ce n’est que notre propre conception qui sert de base à cette prétendue matière que nous nous forgeons continuellement; et en effet, tant que notre esprit présente à la matière un pareil substratum ou un pareil germe, cette matière s’en empare dans notre pensée, et lui sert de forme et d’enveloppe.
Ainsi, tant que nous nous arrêtons à cette divisibilité, ou que nous en concevons les résultats sensibles, nous trouvons cette divisibilité possible et réelle, puisque la forme sensible suit toujours la base que nous lui offrons; mais dès que nous détournons les yeux de notre esprit de ce foyer d’action dont nous ne nous rapprochons qu’intellectuellement, cette forme disparaît, et il n’y a plus pour lui ni pour nous de divisibilité de la matière.
Si les doctes anciens et modernes, depuis les Platon, les Aristote, jusqu’aux Newton et aux Spinoza, avaient su faire attention que la matière n’est qu’une représentation et une image de ce qui n’est pas elle, ils ne se seraient pas tant tourmentés, ni tant égarés pour vouloir nous dire ce qu’elle était.
Elle est comme le portrait d’une personne absente; il faut absolument connaître le modèle pour pouvoir s’assurer de la ressemblance. Sans quoi ce portrait ne sera plus pour nous qu’un ouvrage de fantaisie, sur lequel chacun fera toutes les conjectures qu’il lui plaira, sans que l’on soit sûr qu’il y en ait une de vraie.
Néanmoins, dans cette série de la formation des êtres qui vient de nous occuper, il y a un point important qui se refuse à notre connaissance; c’est le magisme de la génération des choses, et encore ne s’y refuse-t-il que parce que nous cherchons à l’atteindre par l’analyse, ce qui en soi n’est appréhensible que par une impression cachée; et mieux on peut dire que sur ce point Jacob Boehme a levé presque tous les voiles en développant à notre esprit les sept formes de la nature, jusque dans la racine éternelle des êtres.
Le vrai caractère du magisme est d’être le médium et le moyen de passage de l’état de dispersion absolue ou d’indifférence, que Boehme appelle abyssale, à l’état de sensibilisation quelconque caractérisée, soit spirituelle, soit naturelle, tant simple qu’élémentaire.
La génération ou ce passage de l’état insensible à l’état sensible est perpétuelle. Elle tient le milieu entre l’état dispersé et insensible des choses, et leur état de sensibilisation caractérisée, et cependant elle n’est ni l’un ni l’autre, puisqu’elle n’est ni la dispersion, comme l’état abyssal, ni la manifestation développée comme la chose que cette génération veut nous transmettre et nous communiquer.
Dans ce sens, la nature actuelle a son magisme; car elle renferme tout ce qui est au-dessus d’elle en dispersion, ou toutes les essences astrales et élémentaires qui doivent contribuer à la production des êtres; et en outre elle renferme toutes les propriétés cachées du monde supérieur à elle, et vers lequel elle tend à rallier toutes nos pensées.
(Ministère de l’Homme-Esprit.)