Schuon: le monde et l’ego

Tout ceci revient à dire que l’objet cosmique — le monde — se trouve pour ainsi dire suspendu entre deux dimensions complémentaires, la transcendance et l’immanence : d’une part, Dieu est l’ « Autre » qui est infiniment « au-dessus » du monde et, d’autre part, le monde est sa manifestation dans laquelle il est présent ; ce qui implique, d’une part, que sans cette immanence le monde se réduirait au néant et, d’autre part, que le monde — et tout ce qu’il contient — est nécessairement symbolique. Dans un sens, rien ne ressemble à Dieu mais, dans un autre, tout lui ressemble, du moins sous le rapport de la manifestation positive, non négative. De même, le sujet humain — l’ego — est comme suspendu entre l’ « élévation » et la « profondeur » : entre l’Être divin qui réside « dans les cieux » et le divin Soi qui réside « au fond du cœur ». La première dimension est celle de la perspective séparative, de l’adoration, du culte, de la loi, de l’obéissance, bref celle de la religion ; la seconde est celle de la perspective unitive, de la sagesse et de l’union ; ou celle de la pure sainteté, laquelle par définition est « être » et non « pensée » seulement. (Frithjof Schuon, Avoir un centre)

Frithjof Schuon