Encore une nuit écoulée ! je m’éveille, j’éprouve le plaisir d’exister. A qui dois-je ma première pensée, si ce n’est à toi, bonté infinie, à toi qui m’as donné la vie, à toi qui veillais pour moi pendant mon sommeil?
Quelle est ta bonté, Seigneur ! tu prends soin de tout ce qui respire : la moindre créature éprouve tes bienfaits. Oui, la consolante pensée que tu es nécessairement bon ne sortira jamais de mon esprit : avec quelles délices je revois ce monde où tout me la rappelle sans cesse !
Je ne suis que poussière ; mais, animé par ta toute-puissance, ô mon Dieu, je me sens un cœur qui s’ouvre à la sensibilité; je me sens une àme susceptible de confiance et d’amour. A qui dois-je offrir les prémices de mes sentiments, si ce n’est à toi, qui m’as créé? Tu es un pur esprit, je suis un faible mortel. Je ne saurais te comprendre ; mais tes ouvrages me prouvent que tu es ; ils me donnent l’idée d’un être sage et bienfaisant. Daigne écouter ma voix, daigne écouter la voix de ta créature qui proclame que tu es tout amour.
Oui, tu es tout amour, et tout ce que tu fais respire l’amour. Le soleil, dans son éclat, annonce ta majesté, et les délices d’un beau matin, ta bonté. Je revois aujourd’hui ma femme, mes enfants, mes amis; je les revois en santé, et, pleins de joie, ils se jettent dans mes bras.
Qui donc a veillé sur eux pendant leur sommeil ? qui les a préservés des dangers d’une nuit obscure? qui me les arendus, ces gages si précieux et si chers? C’est toi, Dieu de bonté. Pourrais-je me refuser à t’aimer ? mais que signifie t’aimer ? — J’y réfléchis… je trouve que c’est garder tes commandements, et tes commandements ne sont qu’amour. — Qu’exige de moi l’être indéfinissable qui m’a créé ? quels sont les commandements du maître de l’univers?— L’amour, le puramour. N’est-ce pas ce que répond la nature entière? Aime Dieu, aime-toi, aime ton prochain. J’avais un père, et je l’aimais ; j’ai un ami, et mon cœur tressaille à sa rencontre ; j’ai un bienfaiteur, et mon âme est touchée quand je songe à lui : toi, mon Dieu, n’es-tu pas mon père, mon ami, mon bienfaiteur ? comment ne pas t’aimer ? Hommes, mes semblables, combien vous m’êtes chers ! vous êtes tous mes frères… Quand je vous embrasse, j’embrasse en vous l’Éternel, notre père commun. Reçois, ce matin, Créateur bienfaisant de tous les êtres, le vœu solennel que je fais de suivre ton exemple ; on me verra désormais secourir les malheureux, protéger les opprimés, vêtir ceux qui seront nus, distribuer des remèdes aux malades et ramener les hommes qui se trouveront égarés. Je veux être doux envers mes inférieurs, plein d’amour envers les êtres confiés à mes soins, et je considérerai comme mon frère, comme un enfant que tu chéris, chaque créature formée à ton image.
Ce que j’exprime ici, je le sens au fond de mon cœur. O mon Dieu, toi qui pénètres les plus profonds replis de mon âme, vois en moi la sincérité d’un enfant.
Reçois ainsi, dès les premiers instants de cette journée, les premiers témoignages de mon amour. Je pardonne à tous mes ennemis à cause de toi : je te promets, Seigneur, de faire du bien à quiconque m’aura fait du mal, de bénir celui qui me maudit, et de chérir même celui qui me hait. J’ai la ferme résolution de ne médire jamais de mon semblable, de n’interpréter en mal aucune ses actions, de ne point le réprimander avec: aigreur ni l’humilier, lorsqu’il aura commis une faute. Je me propose de ne pas le scandaliser pardi: mauvais exemples, do n’être point injuste envers lui, de ne jamais le tromper ni l’induire en erreur, mais d’agir constamment avec lui comme tu nous l’as recommandé. Si tu le bénis et le combles de biens, je n’en serai point envieux. Je ne serai pas avare de mes secours, s’il en a besoin. Suis-je hors d’état de l’aider de mon or, je l’aiderai de mes conseils, de mes démarches ; et tout cela, mon Dieu, pour obéir à tes saints commandements et par amour pour toi.