En embrassant dans leur évolution les rapports de Goethe et de l’occultisme, nous avons pu déterminer trois « moments » essentiels : l’expérience magique de Francfort et ses prolongements ; la période sceptique et critique où paraît le Gross-Cophta ; enfin l’expérience de l’occultisme romantique, centré autour des manifestations du magnétisme animal. Malgré une rupture dans la continuité de ces rapports, marquée par l’époque du Gross-Cophta, la veine mystique et occultiste circule d’un bout à l’autre de la vie de Goethe, toujours résurgente.
Une telle persistance ne peut s’expliquer que par un penchant, profondément goethéen, au mystère — Neigung zum Geheimnis. Le penseur s’est souvent ouvert sur la valeur et le sens de ce penchant. Chez le jeune homme, il est une preuve de la profondeur du caractère, une forme du sérieux. Le jeune homme qui commence de vivre, qui ignore tout de la vie, de sa vie, est naturellement enclin au pressentiment — Ahnung. Il considère la vie comme une énigme ; et cette énigme représente le mystère de sa vie en tant qu’intrigue, suite de circonstances imprévisibles, accomplissement possible de projets rêvés ou de promesses senties. Dans le mystère, il met l’espoir de sa destinée, il imagine les vapeurs floues et indécises qui précèdent l’aurore ; il y puise aussi la force et l’assurance de son action. Jarno définit ainsi le goût du mystère : « Die Neigung der Jugend zum Geheimnis, zu Zeremonien und grossen Worten ist ausserordentlich, und oft ein Zeichen einer gewissen Tiefe des Charakters. Man will in diesen Jahren sein ganzes Wesen, wenn auch nur dunkel und unbestimmt, ergriffen und berührt fühlen. Der Jüngling, der vieles ahnet, glaubt in einem Geheimnisse viel zu finden, in ein Geheimnis viel zu legen und durch dasselbe wirken zu müssen »1.
Goethe a connu lui-même cet état d’âme, fait de pressentiment et d’indécision, d’espoir et d’obscure confusion. Résumant le 7 août 1779 dans son Tagebuch sa jeunesse et ses premières années weimariennes, il constate qu’il « a trouvé une volupté particulière aux mystères, aux obscures situations imaginaires »2.
Mais le vieillard aussi est enclin au mystère. N’est-il pas selon Goethe dans l’âge du mysticisme, opposé au scepticisme de l’âge mûr3 ? Pour le vieillard, en effet, qui considère sa vie comme une intrigue vécue, une suite achevée de circonstances, ce qui est un mystère, c’est -l’étrange cohésion de ces hasards, c’est le déroulement souvent imprévu d’un devenir, c’est la raison dernière de son existence. Le mystère de la vie se double du mystère de la mort, toute proche. La mort va-t-elle nous fournir l’inconnue de notre insoluble équation ? Le vieillard, frappé, inquiété peut-être par le constant devenir des choses, cherche sa consolation et sa sérénité du côté de l’Être mystérieux qui demeure dans l’éternité. « So ist es, so war es, und das hohe Alter beruhigt sich in dem, der da ist, der da war und der da sein wird » (Ibid.). Goethe dit à Eckermann le 7 octobre 1827 : « Nous avançons tous au milieu des mystères — Wir wandeln aile in Geheimnissen ». Le mysticisme goethéen est une forme de fatalisme, proche de l’islamisme — « une soumission absolue à la volonté impénétrable de Dieu »4.
Le penchant au mystère prend, chez Goethe, des formes variées, échelonnées depuis le simple jeu de l’ésotérisme jusqu’à l’attitude suprême du respect. Mais chacune de ces formes révèle un aspect significatif de ce qu’on pourrait appeler l’occultisme goethéen.
Goethe enfant, nous l’avons vu, aimait à réunir un jeune auditoire de petits amis et charmer leur imagination d’histoires et d’aventures fantastiques. Ce goût du conte, l’étudiant de Strasbourg le possédait encore, quand sous la tonnelle de Sesenheim il enchantait l’esprit des filles du pasteur par de merveilleux récits. Non seulement il racontait avec aisance d’étranges histoires, mais, don plus caractéristique, il savait improviser et habiller de mystère les moindres incidents de l’existence5. L’Abbé des Unterhaltungen deutscher Ausgewanderten fait dévier la conversation des sujets politiques vers le domaine des histoires de fantômes et des sympathies mystérieuses. Il avait bien mesuré l’intérêt que son récit saurait provoquer. Peu à peu, sceptiques et demi-croyants sont malgré eux enveloppés de mystère. Aussi, quand le craquement du secrétaire se fait entendre dans un coin de la pièce, se mêle-t-il déjà à la curiosité des assistants une certaine dose d’effroi ou de peur. Le mystère, en ce sens, est création d’atmosphère.
Une autre forme du mystère comme amusement collectif se rencontre dans le jeu de l’ésotérisme. Arrivé à Wetzlar en 1772, Goethe se fait admettre dans la Société des Chevaliers — Rittergesellschaft —, groupe de joyeux compagnons qui se donnaient titres, noms et grades et se complaisaient dans des cérémonies d’initiation ou l’accomplissement de gestes rituels imités des chevaliers de la Table ronde. Le jeu consiste ici à transfigurer les personnes, les fonctions, les réalités du jour que les symboles et l’ésotérisme nimbent d’une valeur occulte. C’est le plaisir de faire mystère des situations les plus naturelles, les plus manifestes6. Le mystère est alors comme l’épice qui relève l’agrément de la vie de société.
Le mystère prend une forme supérieure, lorsqu’il répond à des exigences pédagogiques. Le besoin de cacher et de taire — Verhüllen und Schweigen — représente déjà le double apprentissage de la pudeur et de la discrétion, de la profondeur et du silence. C’est le surveillant de la Province pédagogique qui souligne les avantages moraux et sociaux du mystère. Les hommes sont enclins à penser que, du moment qu’on leur révèle les choses entièrement et du premier coup, elles n’ont point de valeur et ne recèlent rien — « es sei nichts dahinter ». Il faut envelopper les choses de voiles mystérieux, pour que leur intérêt s’y porte, pour que leur considération naisse, et que leur moralité soit élevée d’autant7. L’expression de « mystères manifestes » — « offenbare Geheimnisse » — revient encore, avec cette fois une signification plus profonde. L’homme passe tous les jours auprès de réalités qui lui sont devenues familières et qu’il ne remarque plus. Or ces réalités, qui ne posent en apparence aucun problème, qui ne suscitent aucun émoi, sont pourtant déjà de vrais mystères. L’ésotérisme dont on use dans la Province pédagogique vise précisément à faire naître dans les jeunes élèves l’intérêt au lieu de l’incuriosité, le respect au lieu de l’indifférence. Le mystère est donc une forme du sérieux, l’antidote nécessaire â la banalité et â la frivolité d’esprit.
Le mystère, comme principe éducatif, trouve son expression parfaite dans les sociétés ésotériques. On connaît les relations de Goethe avec la maçonnerie et l’ordre des Illuminés ; nous n’insistons ici que sur l’attirance exercée par les sociétés secrètes. Goethe leur a consacré dans son ouvre un rôle important qu’il envisage sous trois aspects : pédagogique et social, politique et, enfin, mystique et religieux. Le premier aspect est représenté par la Société de la Tour dans Wilhelm Meister ; le second par des vues exprimées dans Kunst und Altertum (1814-15), et le troisième par le fragment inachevé des Geheimnisse.
La Société de la Tour est nettemenc d’inspiration maçonnique. Cérémonies occultes, grades initiatiques, étrange ubiquité d’une société partout active, manouvres et discours secrets, tout porte au mystère, tout entretient le mystère. On comprend les soupçons de Lydie touchant les hommes de la Tour : « Je n’avais pas découvert leur mystère, mais j’avais observé qu’ils cachaient un secret. Pourquoi ces pièces fermées ? Ces couloirs mystérieux ? Pourquoi personne ne peut-il accéder à la grande tour?8 ». Wilhelm Meister est également frappé du mystère dont l’étrange société s’enveloppe; il s’étonne que la Tour et certaines galeries soient inaccessibles9. La scène d’initiation augmente encore sa surprise : le choix du lieu, la salle du passé, qui semble être une ancienne chapelle10, le choix de l’heure, l’éblouissement du soleil levant, puis l’apparition successive et énigmatique du premier inconnu, de l’Abbé, de Jarno. Or tout y est concerté pour inspirer le respect — Ehrfurcht —11, pour exalter l’esprit du jeune initié et l’élever à la contemplation de la destinée comme forme supérieure de la vie.
Toutefois on peut se demander si le mystère n’agit pas ici à rebours. La fin visée, c’est le respect ; mais le résultat n’est-il pas aussi, comme chez Wilhelm Meister, la crainte d’être mystifié ? A quoi bon tant de mystères, quand Jarno nous révèle qu’après avoir été, au début,au sérieux ils faisaient à présent l’objet du sourire ?12. Le témoignage de Jarno, esprit lucide, rationaliste, fermé au sentiment du mystère, est peut-être un peu suspect ; car c’est l’initié qui s’est montré le plus rebelle aux bizarreries de l’occultisme13. Le mystère est, selon lui, un moyen commode d’agir efficacement dans l’ombre, de diriger l’apprenti à son insu, de le conduire à des fins utiles. Mais, pour l’homme parvenu à la sagesse pratique, il n’est plus qu’un moyen périmé, puéril et dépourvu de valeur. Au demeurant, les mystifications ne s’adressent qu’à ceux qui ne veulent point prendre connaissance lucidement des réalités humaines et qu’on écarte par là14.
Dans la maçonnerie Jarno représente donc la tendance strictement pédagogique ; et pour lui le mystère ne contient pas un message de haute spiritualité. L’occultisme répond à des raisons de prudence et d’efficacité : les hommes de la Tour restent des personnages secrets, comme la trinité mystérieuse qui dirige la Province pédagogique, les « supérieurs inconnus ». L’autorité se masque pour avoir plus de force ; la puissance occulte est doublement redoutée, respectée.
Par là nous touchons à l’aspect plus proprement politique de l’ésotérisme. Réfléchissant, après 1813, à la reconstruction de l’Allemagne et de l’Europe, Goethe cherche la solution du côté des anciennes corporations de maçons, groupés en une société fermée — « in sich abgeschlossene Innung »15. Il voudrait voir naître une sorte de loge universelle, réglée par des statuts rigoureux, fortement hiérarchisée, divisée en loges régionales et locales, organisée techniquement et socialement, dont les membres liés par des signes et des mots d’ordre secrets pratiqueraient largement la solidarité.
On ne peut donc nier l’admiration de Goethe pour les organisations occultes et, suivant le mot de Mlle G. Bianquis, un peu « jésuitiques »16, de surveillance, d’éducation, de direction et d’influence.
Goethe envisage, enfin, un troisième aspect des sociétés secrètes : l’aspect mystique et religieux. L’idée qu’une société d’élus ou d’initiés perpétue un message sacré, qui est comme l’essence même de toutes les doctrines religieuses, domine la pensée de Goethe, sans recevoir jamais de forme achevée, parfaite. Le poème des Geheimnisse, conçu en août 1784 et né de préoccupations spirituelles où l’influence rosicrucienne a une grande part, hante l’esprit du poète, et restera inachevé. Jugée impossible dès le 28 mars 1785, où Goethe s’en ouvre à Knebel, l’entreprise est reconnue en 1815 trop grandiose pour être terminée17. L’ordre monastique dont les mystères nous sont présentés dans le fragment du poème participe à la fois de l’ordre des Templiers, de la Rose-Croix, de la maçonnerie et de la confrérie mystique du Saint-Graal. L’ordre, dépositaire de la spiritualité la plus haute, représente la synthèse des différentes formes de religiosité, chrétienne et maçonnique, spinoziste et rosicrucienne, antique et moderne. L’influence de la doctrine martiniste y est également très sensible18. Dans l’ésotérisme mystique, le mystère est un facteur supérieur d’éducation : il porte à la religiosité, il incline l’âme aux pensées du divin. Zacharias Werner s’attirera en 1807 l’estime de Goethe, parce qu’il avait cherché à concilier le christianisme et les mystères maçonniques dans une forme supérieure de religiosité. En ce sens, les Sôhne des Tais faisaient époque dans l’existence goethéenne19.
Goethe, être de lumière, poète « apollinien » — pour reprendre la célèbre terminologie de Nietzsche -, n’en reconnaît pas moins aux côtés nocturnes de l’âme, à la fois, une valeur de charme et une sensibilité particulière. Le plaisir que le jeune homme prit à lire les pages obscures de Hamann s’explique par un certain goût du sibyllin, de l’atmosphère pythique. Il faut y voir moins une recherche des profondeurs qu’une recherche de l’enchantement. Par delà l’ouvre, il pressent le mage qui admet un je ne sais quoi d’occulte, d’insondable — « (der) auch noch etwas Geheimes, Unerforschliches gelten liess »20.
L’énigmatique est un caractère de la poésie goethéenne, surtout dans la vieillesse. Le chancelier von Mliller rapporte à propos de Goethe : qu’une oeuvre d’art, particulièrement un poème, qui ne laissait rien à deviner, manquait de vérité, de dignité21. Le mystérieux, par ce qu’il laisse dans l’ombre, par ce qu’il suggère, par ce qu’il laisse à deviner, est condition de plénitude esthétique. Il y a déjà plus qu’une perspective ouverte aux rêveries, comme quand Goethe répond mystérieusement à Eckermann sur le sens profond des « mères » dans le second Faust :
Die Mütter! Mütter ! — ‘s klingt so wunderlich.
Le Märchen s’enveloppe des plus obscures mystères, mais l’on pressent que son ésotérisme déconcertant cache des choses plus profondes, des vérités, peut-être, « que l’époque n’aurait pas aimé à entendre formuler en termes trop clairs »22. Esthétique et prudence se rencontrent : Goethe voulait suggérer sans trahir.
La poésie, dans sa plus haute mission, est suggestive. Nous marchons environnés de mystères qui ne peuvent être révélés. La vie est un sentier difficile, hérissé d’obstacles. Mais le poète est là pour les indiquer. « Die Geheimnisse der Lebenspjade darf und kann mati nicht offenbaren ; es gibt Steine des Anstosses, über die ein jeder Wanderer stolpèrn muss. Der Poet aber deutet auf die Stelle hin »23. Dans Zueignung la Poésie, identifiée à la irité, se félicite d’avoir conservé quelques voiles :
Dit siehst wie klug,
Wie nötig war’s, euch wenig zu enthüllen.
La poésie est faite de parole et de silence, de lumière et de mystère, parce qu’elle ouvre sur les réalités suprêmes, qu’on ne peut aborder sans respect.
Sous la double forme de la discrétion et du silence, le mystère apparaît déjà comme une attitude de respect. Ainsi s’explique chez Goethe une certaine méfiance du mot qui n’exprime pas assez, une certaine aversion pour l’impudeur du verbe qui exprime trop. Faust ne peut se résoudre à tout mettre dans le verbe :
Ich kann das Wort so hoch unmöglich schätzen.
Mignon cache le secret de sa destinée :
Heiss’ mich nicht reden, heiss’ mich schweigen,
Demi mein Geheimnis ist mir Pflicht.
Enfin la discrète Odile n’est-elle pas, à son avantage, opposée à la sémillante Lucienne ? Tel poème maçonnique n’est-il pas intitulé Discrétion ou Verschwiegenheit ? Et l’expérience et la sagesse n’enseignent-elles pas dans le Divan :
Sagt es niemand, nur den Weisen,
Weil die Menge gleich verhöhnet. — ?
Le chancelier von Muller constate dans la Trauerrede où il exalte les qualités maçonniques du défunt, que le mystère avait pour Goethe un charme tout particulier, « non seulement du point de vue poétique, mais aussi et surtout parce qu’il est une garantie contre la profanation des résolutions et des aspirations nobles, qu’il en facilite le succès et qu’il exalte la force de volonté ». Le sens du mystère provient chez Goethe de ses études de la nature. Il y a appris que « tout ce qui est grand et important se prépare, croît et se développe seulement dans le silence — im stillen -, que les plus nobles entreprises, prématurément dévoilées, sont exposées aux réactions les plus hostiles »24. Goethe remarque lui-même, dans un petit traité de botanique (1807), « que tout ce qui est appelé à vivre, à agir dans la vie, a besoin d’une enveloppe »25. Où qu’elle apparaisse, la vie est entourée de mystère, protégée par le mystère.
Une loi mystérieuse régit toute l’échelle du vivant, explique par delà les métamorphoses l’unité d’être, l’accomplissement et le développement d’une forme première — Urform. C’est ce qu’exprime magnifiquement le poète dans Métamorphosé der Pflanzen (1798) :
Aile Gestalten sind ähnlich and keine gleichet der andern;
und so deutet das Chor auf ein geheimes Gesetz,
Auf ein heiliges Rittsel…
Par la métamorphose des plantes nous retrouvons la notion goethéenne du « mystère manifeste », de Yoffenbare Geheimnis. Le développement de la plante n’échappe aux yeux de personne ; il se produit partout et toujours. La plante ne cache en apparence rien de son devenir, et tout semble se passer à découvert. En fait, elle a son propre mystère ; et le processus secret de sa métamorphose obéit à une loi cachée, interne, biologique. Goethe condamne comme un sacrilège la science du rationaliste qui prétend percer à jour le mystère des choses. Wagner témoigne d’une impudence de jacobin en face de la nature, lorsqu’il déclare :
Was man in der Natur Geheimnisvolles pries,
Das wagen wir verständig zu probieren26.
Le mystère est à la fois dans la nature et dans l’attitude de l’observateur, du côté de la vérité et dans l’ésotérisme du poète. Le vrai, comme Dieu, ne se laisse pas saisir ou contempler directement, mais dans ses manifestations, ses « signatures », suivant le mot des occultistes. « Das Wahre ist gottähnlich ; es erscheint nicht unmittelbar, wir müssen es aus seinen Manifestationen erkennen »27. Or la vérité ne doit apparaître que voilée ; elle ne peut être communiquée, entière, à tous. C’est un premier principe pédagogique : « Es ist Pflicht, andern nur dasjenige zu sagen, was sie aufnehmen können. Der Mensch versteht nichts, als was ihm gemäss ist »28. La vérité est le privilège de quelques esprits d’élite, de quelques âmes supérieures, mais elle reste vérité voilée, vérité dont il faut craindre de prononcer le nom :
Dich nenn’ ich nicht. Zwar hör’ ich dich von vielen
Gar oft genannt, und jeder heisst dich sein,
Ein jedes Auge glaubt auf dich zu zielen,
Fast jedem Auge wird dein Strahl zur Pein.
Ach, da ich irrte, hatt’ ich viel Gespielen,
Da ich dich kenne, bin ich fast allein :
Ich muss mein Glück nur mit mir selbst geniessen,
Dein holdes Licht verdecken und verschliessen29.
Goethe rejoint ici Saint-Martin : « Quoique la lumière soit faite pour tous les yeux, il est encore plus certain que tous les yeux ne sont pas faits pour la voir dans son éclat. C’est pour cela que le petit nombre des hommes dépositaires des vérités que j’annonce est voué à la prudence et à la discrétion par les engagements les plus formels. Aussi ME suis-je promis d’user de beaucoup de réserve dans cet écrit et de m’y envelopper souvent d’un voile que les yeux les moins ordinaires ne pourront pas toujours percer, d’autant que j’y parle parfois de tout autre chose que ce dont je parais traiter »30. Pour le Philosophe inconnu, comme pour Goethe, le mystère est donc une attitude de prudence et une exigence de respect devant la vérité.
(LEPINTE, C. Goethe et l’occultisme. Paris: Belles Lettres, 1957.)
Wilhelm Meisters Lehrjahre, VIII, 5 (J.-A., 18, 322 s.). ↩
« Stiller Rückblick aufs Leben, auf die Verivorrenheit, Betriebsamkeit, Wissbegierde der Jugend, wie sie überall herum schweift, um etwas Befriedigendes zu finden. Wie ich besonders in Geheimnissen, dunklen imaginativen Verbältnissen eine Wollust gefunden habe. » ↩
« Jedem Alter des Menschen antwortet eine gewisse Philosopbie… Der Greis wird sich immer zum Mystizismus bekennen ; er sieht, dass so vieles vom Zufall abzuhängen scheint : das Unvernünftige gelingt, das Vernünftige schlägt fehl, Glück und Unglück stellen sich unerwartet ins Gleiche… » Maximen und Reflexionen (J.-A., 4, 246 s.). ↩
Cf. lettre à Zelter, du 11 raai 1820 : « Unbedingtes Ergeben in den unergründlichen Willen Gottes. » ↩
« Ich erzälte sehr leicht und bequem alie Märchen, Novellen, Gespensterund Wundergeschichten und wusste manche Vorfälle des Lebens aus dem Steggreife in einer solchen Form darzusiellen. » Biographische Einzelheiten. Anhang II (J.-A., 25, 219 s.). ↩
Dichtung und Wahrheit, III, 12 (J-A., 24 103) : « … dass man das Offenbare ais ein Geheimnis behandette ». ↩
« Ausserdem hat das Geheimnis sehr grosse Vorteile : denn wenn ma» dem Menschen gleich und immer sagt, worauf ailes ankommt, so denkt er, es sei nichts dahinter. Gewissen Geheimnissen, und wenn sie offenbar wären, muss man durch Verhüllen und Schweigen Achtung erweisen, denn dieses wirkt auf Scham und gute Sitien ». Wilhelm Meisters Wanderjahre, II, 1 (J.-A., 19 175). ↩
Wilhelm Meisters Lehrjahre, VII,6 (J-A., 18, 219). ↩
Ibid., VII, 9 (J.-A., 18, 255). ↩
N’est-il pas symbolique qu’une ancienne chapelle devienne la salle de réunion d’une société maçonnique ? La religiosité nouvelle, plus large, plus tolérante, succède au christianisme, tout en en conservant les principes essentiels. ↩
« Ein Ort, der uns Ehrfurcht einflösst. » Wlhelm Meisters Lehrjahre, VII, 5 (J-A., 18, 323). ↩
« Ailes, was sie im Turme gesehen haben, sind eigentlich nur noch Reliquien von einem jugendlichen Unternehmen, bei dem es anfangs den meisten Eingeweihten grosser Ernst war, und über das nun aile gelegentlich lächeln ». Ibid., 322. ↩
« Ich konnte mich dm wenigsten in dieses Wesen finden », dit Jarno. Ibid., 323. ↩
« Aile diese, die nicht auf ihre Füsse gestellt sein wollten, wurden mit Mystifikationem und anderm Hokus-Pokus teils aufgehalten, teils beiseite gebracht. » Ibid., 324. ↩
Kunst und Altertum, 1814-15 (J.-A., 29, 330 ss.). ↩
Geneviève Bianquis, Étude sur deux fragments d’un poème de Goethe (Nancy, 1926), 13. ↩
Ibid., 9 ss. ↩
En avril 1781, Goethe lisait l’ouvrage de Claude de Saint-Martin, les Erreurs et la Vérité. Voy. G. Bianquis, l. cit.. ↩
Cf- Lettres de Goethe à J.H. Meyer, du 11 décembre 1807 ; à Zelter et à Wolf, du 16 décembre 1807. ↩
Dichtung und Wahrheit, III, 12 (J-A., 24, 79). ↩
Trauerrede nach Goethes Hinscheiden, cité par Gotthold Deile, Goethe als Freimaurer (Berlin, 1908), 64. ↩
F. von der Leyen, Le Märchen, dans Le romantisrne allemand, textes et études publiés sous la direction d’Albert Béguin (Paris, 1949), 78. ↩
Aus Makariens Archiv (J.-A., 4, 234). ↩
« Das Geheimnis hatte überhauft stets fur Goethe einen ganz besonderen Reiz, nicht nur aus dem poetischen Gesichtspunkt, sondern auch vorzüglich darum, weil es vor Entweihung würdiger Vorsätze und Bestrebungen sichert, ihr Gelingen erleichtert und die Willensstärke der Verbündeten steigert. …Seine Naturbetrachtungen hatten ihn gelehrt, wie ailes Grosse und Bedeutende nur im stillen sich vorbereite, wachse und entivickle ; seine Welterfahrung ihm bewiesen, dass die edelsten Unternehmungen, voreilig enthüllt, meist den feindseligsten Gegenwirkungen ausgesetzt sind. » Wernekke, l., cit., 64. ↩
« Ailes, was zum Leben hervortreten, ailes, was lebendig wirken soll, muss eingehüllt sein. » Über Bildung und Umbildung organischer Naturen (1807). ↩
Faust II, v. 6 857-8. ↩
Maximen und Reflexionen (J.-A., 4, 234). ↩
Wilhelm Meisters Wanderjahre, I, 3 (J.-A., 19, 33). ↩
Zueignung, v. 567-64. ↩
Claude de Saint-Martin, Erreurs, IV, V. ↩